Le recours au drone pour la récolte de preuves
Longtemps utilisés dans le cadre d’opérations militaires, les drones se sont progressivement démocratisés et outre les particuliers qui les emploient à titre de loisir, les institutions peuvent y trouver un certain intérêt, à l’instar de l’organisation judiciaire concernant la récolte d’éléments de preuve.
La captation d’image par drone est justement au cœur de l’arrêt rendu le 15 novembre 2022 par la Cour de cassation, qui reconnaît alors ce procédé comme licite dans le cadre d’une information judiciaire, tant qu’il reste proportionné.
Dans cette affaire, un prévenu placé en détention provisoire dans le cadre d’une enquête pour trafic de cannabis, contestait la procédure qui avait conduit à son arrestation, notamment le mode de récolte de preuve autorisé par le juge, à savoir : la captation d’image réalisée par un drone dans le périmètre d’une propriété privée.
Débouté en appel, le prévenu avait formé un pourvoi en cassation, arguant du fait que seuls les dispositifs fixes de captation d'images et à condition d'autorisation par le juge, pouvaient être installés en vue de la surveillance d'éventuelles infractions.
La chambre criminelle de la Haute juridiction juge pourtant le dispositif conforme et rejette sa demande.
Sans méconnaître le fait qu’un tel dispositif constitue une ingérence dans le droit à la protection de la vie privée et familiale et du domicile garanti par la Convention Européenne des droits de l’Homme, elle rappelle que cette ingérence est autorisée lorsqu’elle est justifiée par l’existence d’une base légale suffisante, et motivée par un but légitime dans une société démocratique, en considération duquel ladite ingérence doit être nécessaire et proportionnée.
Or, en l’espèce, l’existence d’une base légale suffisante est constatée au visa de l’article 706-96 du Code de procédure pénale autorisant le recours à la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet, sans leur consentement, notamment la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, sans qu’il n’y a pas à faire de distinction selon que le dispositif est fixe ou mobile.
Sa position est renforcée par l’appui de la jurisprudence européenne (CEDH, arrêt du 8 mai 2018, Ben Faiza c. France, n° 31446/12), en ce qu’il n’est pas exigé d’une loi, pour être prévisible, qu’elle décline toutes les situations qu’elle a vocation à encadrer, compte tenu du caractère général inhérent à toute règle normative.
Quant au caractère motivé par un but légitime et proportionné du recours au drone, la Cour de cassation confirme le constat relevé par la juridiction du fond, puisque la mesure contestée a été autorisée, pour une durée de quatre mois, par une ordonnance motivée du juge d’instruction, prise après réquisitions du procureur de la République, dont la proportionnalité a été justifiée par le magistrat à l’origine de la demande qui a rappelé comment le trafic a été mis en évidence et pourquoi les lieux désignés ont été ciblés par les enquêteurs. Justification consolidée par le fait que la configuration des lieux rendait toute surveillance difficile, là où les investigations étaient indispensables à la manifestation de la vérité.
L’occasion pour la Cour de cassation de préciser que la captation d’images par un dispositif mobile dans le cadre d’une information judiciaire n’est pas prohibée tant qu’elle reste autorisée par un texte, quand bien même celui-ci comporte une rédaction générale, que son utilisation est justifiée, notamment pour la résolution de l’enquête, et que son recours est autorisé et soumis au contrôle du juge.
Référence de l’arrêt : Cass. crim 15 novembre 2022, n°22-80.097
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